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Les entreprises à la recherche de leur raison d’être

Après des années de recentrage des activités de l’entreprise sur son cœur de métier, on commence enfin à prendre au sérieux l’essence même de l’entreprise et de ce qui présuppose à son business model, ses produits, ses offres et sa culture : sa raison d’être.

boussole

Pourquoi cette prise de conscience si massive ?

Nous ne parlons pas ici d’une apparition soudaine. En effet, depuis plus d’une dizaine d’années la question du “why” est latente. Propulsée sur le devant de la scène grâce au talk de Simon Sinek : “Start with Why : How Great Leaders Inspire Everyone to Take Action”, ce sujet passionne à bon escient. Il apparaît comme la solution pour sortir de l’impasse, coller aux attentes des citoyens et retrouver de la croissance. Les entreprises se rendent compte de la nécessité de se doter d’une raison d’être qui témoigne de l’utilité de leur activité et qui inspire autant les collaborateurs, les clients que les citoyens.

La raison d’être redonne du sens et du souffle aux entreprises

Comment perdurer si celles-ci n’ont même pas de raison d’exister ? La raison d’être met aussi en avant les entreprises pionnières, celles qui n’attendent pas les contraintes réglementaires pour s’engager et s’en donner les moyens, dans un processus qui n’est pas aussi simple qu’il peut le paraître. Enfin, la raison d’être, c’est aussi une raison de se lever le matin, en sachant que notre travail participe à créer un futur souhaitable.

La raison d’être comme raison d’exister

« Être ou ne pas être. Telle est la question. »

Les réflexions d’Hamlet dans la pièce de Shakespeare peuvent tout à fait s’appliquer aux entreprises des années 2020. Avoir une raison d’être, ne pas exister seulement dans une perspective de profits, semble devenu peu à peu essentiel pour garantir l’avenir de ces organisations. Car ne pas avoir de raison d’être, c’est prendre le risque de disparaître. De ne plus être donc.

« Et si l’entreprise de demain ne pouvait plus être sans raison d’être ? » – Raphaëlle Lamoureux, Directrice de La Cité de l’Économie et des Metiers de Demain

Avoir une raison d’être permet de définir “ce que l’entreprise apporte à l’humanité” ou “ce qui manquerait au monde ou qui irait mieux si elle n’existait pas”, explique Fabrice Bonnifet, président du Collège des directeurs du développement durable (C3D).1

Les entreprises sont donc fortement incitées à définir leur raison d’être : elles ne sont pas hors-sol mais ancrées dans un écosystème sensible à ces questions et dont elles dépendent. C’est à la fois une incitation législative — avec la loi PACTE –, un enjeu d’engagement des collaborateurs, mais aussi une réponse aux attentes des clients qui demandent plus de responsabilité et de transparence.

La raison d’être d’une entreprise, c’est également sa vision d’un futur souhaitable. Il semble difficile d’imaginer aujourd’hui qu’une raison d’être puisse être de détruire la biodiversité ou de poursuivre un modèle pour un monde à +4 degrés de réchauffement. Définir sa raison d’être amène donc également à remettre en question l’impact de son entreprise, sa raison d’exister, son utilité. Difficile désormais de penser une entreprise dont la seule finalité serait de faire des profits, sans prendre en considération son impact sur l’humain et l’environnement.

« L’entreprise doit faire des profits sinon elle mourra. Mais si l’on tente de faire fonctionner une entreprise uniquement sur le profit, alors elle mourra aussi, car elle n’aura plus de raison d’être. » Henri Ford

Enfin, il ne s’agit pas d’une simple “tagline” marketing, mais bel et bien d’une réflexion centrale dont devra découler les choix stratégiques de l’entreprise à l’avenir. C’est aussi un levier de performance, puisque les entreprises dotées d’une raison d’être forte se sont montrées plus résilientes et performantes dans la crise !

La loi Pacte et la raison d’être des entreprises

En France, la raison d’être est un concept bien encadré qui s’applique aux entreprises responsables, apparu en avril 2019, avec la loi PACTE. Cette loi est destinée à repenser la place des entreprises dans une société où l’Etat n’a plus le monopole de l’intérêt général. Elle permet aux entreprises de s’engager à plusieurs niveaux.

L’article 1833 du code civil précise que toute entreprise est désormais “gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité”. Ainsi, les entreprises ne peuvent plus prendre comme seule boussole la croissance économique et la réalisation de profits.

L’article 1835 du Code civil va un cran plus loin en donnant la possibilité aux entreprises d’intégrer leur raison d’être dans leurs statuts. La raison d’être dans la loi Pacte, ce sont “les principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité”.

Et pour les plus ambitieuses, il est possible de devenir une entreprise à mission. Devenir une entreprise à mission demande de remplir 5 conditions :

  • L’inscription dans les statuts de la raison d’être ;

  • Des objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre;

  • Des modalités de suivi de la mission ;

  • La vérification par un Organisme Tiers indépendant (OTI) ;

  • La déclaration auprès du greffe pour publicité.

La raison d’être comme raison de s’engager

Une opportunité pour engager ses parties prenantes

C’est dans ce contexte, à la fois sociétal et législatif que l’on peut comprendre cette nouvelle forme d’engagement qu’est la raison d’être. Puisque 51 % des Français considèrent aujourd’hui qu’une entreprise doit être utile pour la société dans son ensemble 2 , les entreprises ne peuvent plus seulement exister “dans la société sans essayer d’y contribuer positivement, notamment sur les enjeux sociaux et environnementaux” 3.

C’est d’abord grâce à la RSE, “contribution plus ou moins volontaire des entreprises aux enjeux sociaux, sociétaux et au développement durable”, que les entreprises ont pu s’engager. Cet engagement ne doit cependant pas être le fait de quelques décideurs derrière des portes closes. Les entreprises agissent sur un écosystème qui attend de plus en plus d’elle qu’elle s’engage.

La définition de la raison d’être et de la mission de l’entreprise sont une opportunité d’engager ses parties prenantes, de mobiliser toute l’entreprise et au-delà : aussi bien ses collaborateurs que ses clients ou partenaires. Impliquer ces parties prenantes tôt dans le processus, permet aussi d’avoir une raison d’être que chacun connaît et dans laquelle il se reconnaît. Cela permet à chacun de mieux connaître et d’expliquer comment l’entreprise produit de la valeur de façon unique. Il ne s’agit plus de devenir l’entreprise de référence ou l’entreprise la plus performante, mais bel et bien une entreprise utile, engagée et engageante.

La raison d’être doit également être formulée de façon simple et signifiante pour tous.Car pour pouvoir l’incarner au quotidien, les collaborateurs doivent avant tout pouvoir la comprendre, la faire leur, la décliner dans leur métier au quotidien. La mise en œuvre de la raison d’être à tous les niveaux de l’entreprise reste aujourd’hui le plus gros défi de cette démarche.

Comment résoudre la question de l’incarnation au quotidien ? Pour que la raison d’être infuse dans tous les métiers, il faut la décliner de façon opérationnelle, l’ancrer dans le management, la chaîne de valeur, le sourcing des partenaires. Ce volet de transformation associé à la raison d’être et plus largement au statut d’entreprise à mission est souvent sous-estimé. Il s’agit certes de créer un récit commun, mais aussi un récit incarné au quotidien à toutes les strates de l’entreprise. C’est là qu’il devient nécessaire de créer une synergie entre la RSE et la raison d’être de l’entreprise. Les actions RSE viennent rendre tangible l’engagement de la raison d’être, tandis que celle-ci permet de construire une histoire mobilisatrice et signifiante autour de ces actions.

Un engagement qui se doit d’être sincère

Après le “green-washing”, se pose désormais la question du “purpose-washing”. Car si une entreprise peut écrire et partager une raison d’être, nombre d’entre elles ne l’intègrent pas encore dans leur statut, et surtout n’affectent pas ou peu de moyens à sa réalisation. Les entreprises se doivent d’aller au bout de la démarche.

“Cet engagement est une source puissante de résonance (avec les préoccupations de l’époque), de différence (par rapport à ses concurrents) et de préférence (des consommateurs).” — Utopies, Les marques positive, 2019 4
Parmi les entreprises dont l’engagement fait pas de doutes, on peut prendre l’exemple de Patagonia. Patagonia est un exemple d’incarnation de la raison d’être à tous les niveaux de l’entreprise. Ayant toujours été soucieuse de l’environnement, l’entreprise s’engage de plus en plus, quitte à surprendre : un partenariat avec eBay en 2011 pour donner aux clients le choix entre leurs vêtements neufs ou d’occasion, une publicité avec pour slogan “N’achetez pas cette veste” (sous-entendu si vous n’en avez pas besoin), une liste des impacts écologiques de leurs vêtements ou encore une garantie à vie des produits.

Avec pour raison d’être “Patagonia is in business to save our home planet”, c’est on ne peut plus clair ! Cet engagement s’avère doublement gagnant : au-delà de créer des produits responsables et durables, Patagonia augmente ses ventes et l’attachement à la marque, connue et reconnue pour son engagement !

Tout réside donc dans la confiance, la sincérité et la transparence. Les collaborateurs et les clients ne sont pas dupes, ils savent faire la différence entre les entreprises réellement engagées et celles qui n’y voient qu’une autre opportunité de communication.

 

« J’ai la conviction que les citoyens et consommateurs décryptent très bien le green-washing et réclament des preuves de l’engagement sociétal des marques. Pour l’entreprise, ne pas être sincère serait un grand risque : les collaborateurs seraient les premiers à la voir. » – Emery Jacquillat, Président Camif et communauté des entreprises à mission

 

Or, une entreprise qui ne s’engage pas sincèrement, c’est une entreprise qui ne se projette pas, qui n’investit pas l’avenir. En matière d’engagement, ce sont les actes plus que les paroles qui comptent. Un engagement sincère finit toujours par transparaître notamment à travers les salariés qui fiers, savent parfaitement s’en faire les ambassadeurs.

 

“Une entreprise qui ne s’engage pas, c’est une entreprise qui n’investit pas l’avenir et se prive d’un vivier d’innovation majeur”.Cyrielle Hariel & Sylvain Reymond, Nos raisons d’être.

La raison d’être comme raison de se lever le matin

Redonner du sens

“Choisissez un métier que vous aimez et vous n’aurez plus à travailler un seul jour de votre vie.” À croire que cette maxime de Confucius a aujourd’hui évolué vers “choisissez une entreprise qui vous donne du sens et vous n’aurez plus à travailler un seul jour de votre vie”. Il ne s’agit plus seulement d’aimer son métier, mais de trouver une cohérence entre ce que l’on aime faire, ce que l’on sait faire et ce en quoi on croit. Car si l’on ne croit pas en l’entreprise pour laquelle on travaille, pourquoi se lever le matin ?

 

« Là où vos talents rencontrent les besoins du monde, c’est là qu’est votre vocation. » – Aristote

 

À l’heure où seuls 10% des salariés se déclarent engagés, où les jeunes souhaitent de de plus en plus rejoindre des entreprises responsables, et où les grandes entreprises voient les exigences de transparence se multiplier, il est temps de redonner du sens.

De nombreux signaux forts et faibles demandent aux entreprises de se réinventer pour être en adéquation avec les attentes sociétales. Communiquer ne suffit plus, il faut montrer patte-blanche en donnant des preuves, une raison d’être sincère et incarnée en étant une !

 

 

 

“Celui qui possède un pourquoi qui le fait vivre peut supporter tous les comment” – Friedrich Nietzsche

 

 

 

 

 

Partager un engagement

C’est ainsi que la raison d’être des entreprises impacte très concrètement ceux qui y travaillent puisqu’ils cherchent eux-mêmes à donner du sens à ce qu’ils font. Comprendre la raison d’être des entreprises et la façon dont elles participent à l’intérêt général est clé dans l’engagement des salariés comme des utilisateurs des produits et services, qui trouvent ainsi une cohérence entre leurs valeurs et la raison d’être de l’entreprise.

 

C’est le cas de l’entreprise Biomérieux dont la raison d’être est l’amélioration de la santé publique dans le monde. Chez BioMérieux, chacun joue donc un rôle au service de la santé publique, quelles que soit son échelle et sa fonction. Cette raison d’être inspirante est surtout connue et reconnue par les collaborateurs, plus que par le grand public. L’entreprise cherche d’abord à fédérer ses collaborateurs, les impliquer et les écouter pour mieux les engager. Et cet engagement se retrouve concrètement dans des initiatives d’Alain Mérieux, fondateur de BioMérieux, comme la Fondation Mérieux, ou encore l’Entreprise des Possibles qui cherche à lutter contre la précarité dans la métropole lyonnaise via le don de congés payés à des associations par exemple.

Avoir une raison d’être engageante est donc un enjeu au niveau des collaborateurs actuels et à venir : les individus veulent travailler pour des entreprises “dont le modèle, les missions et la philosophie leur parlent sur le plan intellectuel et émotionnel”. Les collaborateurs qui comprennent et adhèrent à la raison d’être seront d’autant plus enclins à effectuer un travail de qualité.

 

Enfin, la raison d’être individuelle reflète le sens que l’on veut donner à notre vie et de la mission que l’on se fixe personnellement et collectivement. Il s’agit de trouver le “verbe de sa vie” comme le dit Sarah Roubato dans son livre, Trouve le verbe de ta vie. Inspirer, aider, créer, transmettre, chercher, soigner, chacun doit trouver ce qui le fait avancer et l’entreprise ou le projet qui lui permettra de se réaliser. Dans cette quête de sens, les entreprises ont ainsi une chance : celle de pouvoir rassembler autour d’une vision d’un futur souhaitable celles et ceux qui souhaitent s’engager à le créer.

Conclusion

L’entreprise de demain est donc une entreprise engagée et engageante, une entreprise qui contribue au bien commun et investit l’avenir, une entreprise qui donne du sens et qui sait quelle est sa raison d’être.

Et vous, quelle est votre raison d’être ou celle de votre entreprise ?

 

Aurélie Baulard – Project Manager & Positive Impact Officer chez Spring Lab
 
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1 Faire de la “raison d’être” un axe structurant de l’entreprise et non un slogan vide de sens, Novethic https://www.novethic.fr/actualite/entreprise-responsable/isr-rse/raison-d-etre-les-principes-a-suivre-pour-reellement-faire-la-difference-148168.html

2 Quelle est votre raison d’être : Donner à vos collaborateurs l’envie d’être là, Harvard Business Review. “51 % des Français considèrent aujourd’hui qu’une entreprise doit être utile pour la société dans son ensemble, devant ses clients (34 %), ses collaborateurs (12 %) ou ses actionnaires (3 %)”. [Source : IFOP, Terre de Sienne, La valeur d’utilité associée à l’entreprise, 15 septembre 2016]

3 Les entreprises dotées d’une forte raison d’être attirent la confiance des consommateurs, Youmatter. https://youmatter.world/fr/raison-etre-entreprise-confiance-consommateurs/

4 Les marques positive, Utopies, 2019. https://www.utopies.com/publications/note-de-position-5-la-marque-positive-comment-faire-de-la-rse-un-booster-de-vos-marques/

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